George Jouve
Georges Jouve voit le jour en 1910 à Fontenay-sous-Bois, dans une famille de décorateurs passionnés, qui encourage dès son plus jeune âge ses inclinations artistiques. Dès 17 ans, il fait le choix audacieux de rejoindre l’emblématique École Boulle, où il se plonge dans l’histoire de l’art et se forme à la sculpture, acquérant au passage le surnom d’Apollon, un nom qui marquera son destin. Diplômé en 1929, il poursuit sa quête artistique dans plusieurs académies libres de peinture, dont la prestigieuse Jullian et la Grande Chaumière, affinant toujours plus sa vision.
Après un début de carrière en tant que décorateur de théâtre, la guerre frappe. Mobilisé et fait prisonnier, il s’évade en 1943 et trouve refuge dans le sud, où ses racines méditerranéennes se réveillent. C’est à Dieulefit, dans la Drôme, qu’il découvre la céramique, un art qui va transformer sa trajectoire. Aux côtés du céramiste Étienne Noël, il s’initie à la fabrication d'objets décoratifs et de figurines religieuses, inspirées des Santons.
De retour à Paris en 1944, Jouve s’installe rue de la Tombe-Issoire et transforme son atelier en un véritable laboratoire de créations. C’est alors qu’il abandonne la poterie traditionnelle pour embrasser une approche révolutionnaire : loin du tour, il modèle ses œuvres à la main, inventant des sculptures abstraites d’une puissance évocatrice incroyable, où chaque volume et chaque couleur exprime une énergie nouvelle. Son noir mat, profond et sensuel, habille des formes minimalistes qui deviennent des œuvres vibrantes et fascinantes. Très vite, il se fait un nom, exposant dans les plus grandes galeries, et devient une figure incontournable des Salons de l'Imagerie et des Artistes Décorateurs.
Dans les années 50, sa vision radicalement moderne et son style unique lui permettent de collaborer avec des créateurs de renom comme Jacques Adnet et Mathieu Matégot. Pourtant, une triste découverte, le saturnisme, vient ralentir son élan créatif. Après une longue convalescence en Bourgogne, il s’installe en 1954 à Pigonnet, près d’Aix-en-Provence. Là, son art se réinvente une nouvelle fois : ses céramiques deviennent plus épurées, encore plus audacieuses, avec des teintes vibrantes de jaune, vert prairie, orange lumineux, noir luisant et blanc crémeux. Il se lie d’amitié avec les membres du groupe de l’École d'Aix et son œuvre se pare d'une profondeur et d'une pureté saisissantes.
En 1956, la Galerie Steph Simon, décorée par Charlotte Perriand, devient le lieu où l’artiste va briller pendant près de deux décennies, notamment avec son vase « Cylindre », une pièce magistrale. Sa renommée ne cesse de grandir et en 1959, il expose à la galerie La Demeure de Denise Majorel.
Après sa disparition en mars 1964, une vaste rétrospective en son honneur est organisée en 1965, confirmant son statut de maître incontesté de la céramique moderne.
Véritable virtuose des arts du feu, Georges Jouve a su marier beauté et utilité dans des œuvres où la décoration devient une forme de pure poésie. Ce génie créatif, reconnu pour sa gentillesse et sa passion, demeure aujourd’hui l’un des piliers de la céramique contemporaine.